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« Le droit à l’hébergement bafoué » par Odile Boudeau, directrice de l’Agora et Frédérique Rastoll, chargée de mission logement à l’Association Emmaüs


Article publié dans La Croix du 2 mai 2011 Il y a un an, 39 personnes sans domicile ont vu leur dossier, en vertu du droit à un logement opposable, accepté. Elles attendent toujours une proposition d’hébergement et se voient désormais reprocher que leur dossier n’est plus à jour.

16.05.2011

En mars 2010, à l’Agora, accueil de jour de l’Association Emmaüs, 39 personnes sans domicile se réunissent pour entendre parler de la loi du 5 mars 2007 et du droit à l’hébergement opposable. Elles apprennent qu’elles peuvent déposer des dossiers pour expliquer leur situation – sans logement, sans domicile, sans abri, – et adressent leurs 39 dossiers le 6 avril 2010 à la Commission de médiation de Paris. A l’issue d’un délai de six semaines, chaque personne reçoit un courrier disant qu’elle est « désignée comme prioritaire et doit être accueillie en urgence dans une structure d’hébergement, un établissement ou logement de transition, un logement foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale ».
La lettre du Président de la commission de médiation de Paris précise aussi que cette décision est « transmise au Préfet de Paris afin qu’une offre d’hébergement soit faite dans un délai maximum de six semaines ». Jusque là, tout se déroule donc comme le prévoit la loi.

Pourtant, au bout du délai accordé au Préfet, aucune proposition d’hébergement ne parvient aux intéressés. L’hiver est proche, 14 personnes décident de saisir le Tribunal administratif. En novembre et décembre, c’est le moment des audiences devant le juge du tribunal, puis de la réception des jugements qui enjoignent « au Préfet d’assurer l’accueil en urgence dans une structure d’hébergement » et fixent le montant d’une astreinte due par le Préfet pour chaque jour de retard.

Comme tous les 15 jours, en avril 2011, les personnes se réunissent pour voir s’il y a du nouveau. Aucune proposition d’hébergement n’est encore connue mais, espoir, un service de l’État souhaite joindre l’Association Emmaüs au sujet des 39 dossiers déposés un an plus tôt, en avril 2010. Le contact est donc pris avec ce service pour s’entendre dire : « Nous voulions vous alerter sur le fait que des dossiers ne sont plus à jour ». Autrement dit, certaines adresses de domiciliation ne sont plus valables. Mais impossible de faire entendre à l’administration que l’Association Emmaüs est toujours en contact avec ces personnes qui peuvent donc être jointes.

Ainsi, du 6 avril 2010 au 13 avril 2011, jour de cette courte mais édifiante conversation téléphonique, c’est une année qui s’est écoulée, un hiver qui est passé, les centres provisoires de la période hivernale qui ont fermé. Et les 39 personnes sont toujours sans logement, sans domicile, sans abri ! Quoi d’étonnant que certains soient sans adresse ?
Un an d’attente d’un hébergement qui est un droit opposable mais non appliqué, un an d’attente d’un hébergement, un droit reconnu mais bafoué.