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Hébergement d’urgence : quand l’absence de titre de séjour empêche la sortie de la précarité

Aurore, le CASP, Emmaüs Solidarité, le Groupe SOS Solidarités et le Samusocial de Paris s’unissent pour alerter : l’intégration des personnes étrangères est bloquée, au détriment même de celles et ceux qui souhaitent s’intégrer, mais également de la société dans son ensemble. L’obtention ou le renouvellement d’un titre de séjour est de plus en plus difficile pour des personnes étrangères pourtant intégrées dans la société française.

Une enquête inédite coordonnée par l’Observatoire du Samusocial de Paris, auprès de 935 ménages formant un échantillon représentatif de ceux hébergés dans 134 structures de ces cinq acteurs, démontre l’insertion des personnes étrangères dans la société française, y compris de celles qui restent en attente d’un titre de séjour, qui représentent une personne sur deux (51%).


Parmi ces personnes en attente de régularisation :
- 72% sont présentes en France depuis au moins cinq ans,
- 27% le sont depuis au moins dix ans
- 43% ont une activité professionnelle, même si les emplois sont souvent précaires.
- 20% ont un enfant français ou reconnu comme réfugié.


Pourtant, malgré ces signes d’ancrage fort dans la société française, leurs situations administratives restent précaires, tout comme la situation des 20% des personnes en cours de demande, ou disposant d’un titre de courte durée, allant jusqu’à un an. Même pour ces dernières, les titres n’étant pas pluriannuels, ils doivent être renouvelés chaque année. Or ces renouvellements sont de plus en plus difficiles : plus de la moitié des personnes engagées dans une telle procédure (56 %) déclarent rencontrer des obstacles.

Ces difficultés commencent par celle d’obtenir un rendez-vous en préfecture, évoquée par 82 % des personnes. Au moment de l’enquête, environ 2/3 des personnes qui ont entamé les démarches pour l’obtention d’un titre de séjour les ont débutées il y a plus d’un an. Ces lenteurs créent elles-mêmes des sans-papiers, y compris pour des personnes dont le renouvellement du titre de séjour ne pose aucun problème de fond.

 

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Les manques d’effectifs dans les préfectures, mais aussi une procédure dématérialisée dysfonctionnelle de prises de rendez-vous, mettent de trop nombreuses personnes dans des situations de grande précarité, et contribuent à l’embolie de l’hébergement d’urgence.


Ces blocages contredisent la politique nationale du Logement d’abord


Depuis plus de 15 ans, les politiques publiques de l’Etat s’inscrivent dans la philosophie du Logement d’Abord, visant à combattre le sans-domicilisme par le logement, et à considérer l’hébergement d’urgence comme une étape la plus transitoire possible.

A contrario, les blocages décrits par notre enquête ont pour conséquence directe une saturation de l’hébergement d’urgence, dont le nombre de places a plus que doublé en dix ans. Alors que l’hébergement d’urgence constitue un droit fondamental, garanti à toute personne en détresse, il est aujourd’hui devenu une voie sans issue pour trop de personnes étrangères. La durée médiane de séjour (3 ans et 5 mois) des personnes enquêtées est inutilement longue, ce qui aggrave les problématiques sociales.


Des freins à l’insertion qui pèsent sur la santé, le logement et la société


Plus de la moitié des personnes interrogées souffre de problèmes de santé (chroniques, mentaux, ou liés à un handicap). Ces problématiques sont évidemment liées à la précarité et aux mauvaises conditions de vie. Elles soulignent l’importance de l’Aide médicale d’Etat pour assurer l’accès aux soins).


La quasi-totalité des ménages sans droit au séjour dans notre enquête (96 %) vivent sous le seuil de pauvreté. Les conditions d'exercice de leurs activités, souvent informelles et peu documentées, même si elles se déploient majoritairement dans des secteurs en tension, rendent la perspective d'accès à un titre de séjour via la liste, étroite, de métiers reconnus en tension bien lointaine.

L’emploi, au même titre que le logement, est un pilier fondamental de l’inclusion et facilite l’accès au titre de séjour. De nombreuses personnes que nous accompagnons travaillent, souhaitent travailler, ou disposent de compétences immédiatement mobilisables dans des secteurs en tension. Pourtant, faute de titre de séjour ou de document temporaire leur permettant d’exercer légalement une activité, ces personnes sont maintenues dans des emplois précaires, invisibles, ou sont empêchées de contribuer pleinement à la société. Cette exclusion administrative est une perte pour elles, mais aussi pour la collectivité. Faciliter l’accès au séjour, notamment par la reconnaissance des parcours d’insertion et de travail, permettrait à ces personnes de sortir de l’informalité, de sécuriser leur parcours, et de participer à la dynamique économique et sociale du pays. Notre société a tout à gagner à reconnaître et à valoriser leurs compétences.


Aujourd’hui, l’absence de perspective conduit à la dégradation des personnes et ne fait que renforcer l’incompréhension de la population et le rejet de l’autre.


Une autre voie est possible : l’étude montre que de nombreuses personnes pourraient être régularisées si les préfectures étaient plus accessibles et si les incertitudes introduites par les évolutions législatives et réglementaires récentes étaient clarifiées en ce sens.


Les 5 acteurs de l’hébergement alertent sur le durcissement, de droit ou de fait, des conditions de régularisation des personnes étrangères.


Ils réclament une politique cohérente entre les objectifs du Logement d’Abord fixés depuis 15 ans et des mesures permettant l’intégration des personnes, dont l’accès à un titre de séjour.

Cette cohérence est indispensable pour garantir la dignité des personnes, assurer l’efficacité des politiques publiques, et renforcer la cohésion sociale.

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